Au fil du XVIIème siècle sont créées les Compagnies des Indes Orientales et le commerce avec le nouveau monde peut s’organiser. Les explorateurs en rapportent des épices, du thé, du cacao mais aussi du bois. Car un bois exotique de couleur rouge a été découvert et révolutionnera le mobilier de l’Ancien monde ! Ce bois très dur à grains fins de la famille des méliacées dont la couleur peut aller du brun rosé au rouge pâle est transporté sous forme de grumes, troncs étêtés et débarrassés de leurs branches.
Détails d’un meuble à dorure en acajou – coiffeuse de style Empire
A noter
Le terme « acajou » regroupe en réalité plusieurs types d’arbres…
Sommaire
L’acajou sous toutes ses formes
Tout ce qui est en bois rouge n’est pas en or… ll faut savoir que les bois d’acajou ne sont pas un et ne sont pas tous aussi recherchés. Si l’acajou ronceux qui présente une infinie de tons aux dessins souvent dentelés est le plus fin et délicat, l’acajou uni a une valeur moindre. L’acajou moiré aux veines ondulées et chatoyantes ressemble, lui, au tissu du même nom tandis que l’acajou flammé « imite » les jets de flammes. Il en existe quantité d’autres, acajou chenillé ou encore moucheté…
Acajou à grande feuille en milieu naturel
Bon à savoir
L’acajou à grande feuille qui pousse dans la forêt amazonienne est l’un des arbres les plus commercialisés au monde. En effet, la surexploitation des autres espèces de la famille des méliacées a eu pour conséquence leur extinction commerciale. Ces arbres qui peuvent mesurer 50 mètres et qui surplombent la forêt sont une espèce protégée. Mais malgré la mise en place d’une protection internationale, ces arbres sont hélas toujours pillés…
Ancienne table à jeux de tric-trac en acajou
L’arrivée de l’acajou en Europe
C’est en Angleterre que le bois d’acajou commence à être utilisé. Pour la petite histoire, on raconte qu’un commandant de bâtiment de la Compagnie des indes anglaises a offert à son frère des grumes d’acajou qui lui avaient servis de lest pendant le voyage. Ce dernier, intrigué par la dureté du bois, a fini par en faire faire une boîte et devant la beauté du résultat a décidé de se faire fabriquer un bureau du même bois. Évidemment, ce bureau a fait des petits jaloux…
Blason de la Compagnie française des Indes orientales (après 1719)
L’acajou ne débarque à Paris qu’au milieu du XVIIIème siècle et il devient très vite à la mode jusqu’à son apogée pendant la période de l’Empire et la Restauration (1804/1815). Les meubles Directoire en acajou fleurissent. On trouve des tables d’appoint, des meubles console et même des salons entiers. A cette époque, les menuisiers et ébénistes emploient presque exclusivement l’acajou. C’est le “must have” de l’époque.
Placage et marqueterie en acajou
Les meubles en marqueterie se développent en France sous le règne de François 1er, Roi emblématique de la Renaissance et son mobilier, qui est fasciné par la création artistique italienne. Les bois d’ameublement exotiques, comme l’ébène, le bois de palissandre puis l’acajou sont marquetés par les plus grands. Les plus belles réalisations sont peut-être celles des ébénistes Jean-François Oeben et Jean-Henri Riesener qui officient du temps de Louis XV.
Bon à savoir
Le célèbre ébéniste anglais Thomas Chippendale (1718-1779) marque durablement le mobilier anglais en créant des pièces en bois massif. En France, l’acajou n’est jamais utilisé de cette manière…
L’une des plus célèbres pièces de Thomas Chippendale
“The Diana and Minerva commode”
L’acajou, à cause notamment des difficultés de transport, est une essence rare et onéreuse. Aussi, pour en utiliser le moins possible tout en profitant de ses effets moirés, les ébénistes l’utilisent en placage. Il s’agit alors de découper de fines feuilles de bois qui viennent habiller du mobilier créé avec des bois plus modestes. Ces feuilles, sciées à la main, peuvent aussi être sculptées par les maîtres artisans. Jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, le sciage du placage se fait à la presse par des compagnons qui y passent leurs journées. Le jeu consiste alors à réaliser les feuilles les plus fines possibles.
Au tournant du XXème siècle, c’est l’école de Nancy qui prend le relai de la création. Émile Gallé et Louis Majorelle utilisent l’acajou pour des bibliothèques, des tables à thé ou des tables de toilettes. L’Art nouveau se délecte de ce bois rouge aux reflets changeants.
Aujourd’hui encore les meubles en acajou, bois exotique venu d’ailleurs, apportent douceur et chaleur à vos intérieurs.
Lit Art nouveau en acajou signé Louis Majorelle