Pièces maîtresses de la boutique, les meubles de métier font partie intégrante de l’histoire des commerces et de l’artisanat. Dédiés au rangement des mille produits de l’apothicaire, du mercier ou encore du grainetier mais aussi au service des clients dans les bars et bistrots, ces meubles authentiques trouvent dans nos intérieurs une nouvelle jeunesse. En bois, acier ou zinc, les étales, comptoirs, billots, meubles industriels et établis ravivent l’histoire de métiers parfois oubliés…
Cabinet d’Apothicaire de 1730 – Rijksmuseum d’Amsterdam
Sommaire
Meubles de métier : entre tradition et modernité
Ingénieux et pratiques, tels pourraient être les maîtres mots pour décrire les meubles de métier. Conçu pour répondre aux besoins spécifiques de chaque corps de métiers, ce type de meubles comporte de nombreux rangements, en particulier une multitude de tiroirs mais aussi de portes, pour faciliter le travail de chacun de ses utilisateurs.
Meuble de mercerie
Si de nombreux meubles de métier ont très vite été produits en série, d’autres sont au contraire des pièces uniques. Le bois, parfois précieux comme le merisier ou l’orme, compose bien des comptoirs de mercerie, les fameux billots de boucher ainsi que les étales et autres consoles des commerçants. Dans les bars, le zinc remplace peu à peu le bois dans la conception du comptoir à partir du début du XIXème siècle. époque célèbre pour sa grande production de meubles comme le fauteuil Voltaire ou encore le mobilier de style cathédrale aussi appelé mobilier néo-gothique.
A l’heure de la seconde révolution industrielle, l’acier devient un matériau de choix pour concevoir de nouvelles pièces de mobilier de métier en nombre. Fonctionnel, l’acier se dote aussi d’un aspect décoratif de plus en plus apprécié. L’essor du mobilier industriel en témoigne.
Meuble billot de boucher bois
Le saviez-vous ?
Pendant longtemps associé à l’art de la guerre, l’acier trouve sa fonction décorative intérieure sous l’influence d’une femme de pouvoir, l’impératrice Elisabeth Ier de Russie. C’est en effet sous son règne que ce métal entre dans la composition de différents meubles, du canapé à la cuisinière en fonte. Dédié dans un premier temps aux intérieurs de la noblesse et de la bourgeoisie, l’acier se démocratise à travers de nouveaux objets du quotidien comme la célèbre chaise Tubor.
“Prendre un verre sur le zinc”, le mythique comptoir de bar
Le comptoir de bar en zinc est un incontournable des meubles de métier. Après le bois, le zinc laminé devient, dans la première moitié du XIXème siècle, le matériau de choix pour réaliser les comptoirs des bars et estaminets de France et de Navarre.
Détails d’un zinc de bar
Qu’est-ce qu’un estaminet ?
Plus connu dans le Nord de la France et en Belgique, l’estaminet est un débit de boissons particulièrement apprécié pour la bière qui y est proposée. D’origine wallonne, l’estaminet n’a pas bonne presse en France si l’on en croit la définition proposée par l’Académie française en 1802 : “assemblée de buveurs et de fumeurs”. Au début du XIXème siècle, il est en effet autorisé de fumer contrairement au café où le tabac est interdit. De nos jours, les estaminets désignent des brasseries souvent dotées d’une décoration rustique et traditionnelle dans lesquelles sont servies des mets régionaux.
Le plus souvent installé par des couvreurs-zingueurs et non des ébénistes, le comptoir de bar reprend aussi naturellement le vocabulaire associé à ce corps de métier. A l’instar de la réalisation d’une toiture, le comptoir de bar reprenait une forme cintrée. Installés sur des supports en bois, les couvreurs faisaient en sorte que les soudures ne soient pas disgracieuses. Toutefois, le zinc, si recherché pour sa résistance aux intempéries, supporte mal l’acide contenu dans les boissons alcoolisées. En fin de journée, les cafetiers s’employaient à frotter la surface devenue rugueuse à l’aide d’une corde sur laquelle étaient assemblés des bouchons de liège. L’avènement de l’étain puis de l’acier inoxydable mit définitivement fin à ces désagréments à et à cette besogneuse tâche de nettoyage maison !
A gauche : buffet arrière de bar estaminet à portes glacières
A droite : arrière de comptoir bar verrier
L’étal, plus ancien meuble de métier
Toujours présents sur nos marchés, les étals existent depuis plusieurs siècles. Au XIème siècle, l’estal occupait déjà la même fonction. Au Moyen-Age, l’étal fait partie intégrante de l’ouvroir, une pièce dont l’ouverture donnait directement sur la rue.
Si les hommes et les femmes se sont toujours davantage pressés autour de l’étal pour en admirer les marchandises exposées, il n’en reste pas moins que les artistes peintres ont trouvé une certaine aspiration à croquer cette table de métier dans leurs œuvres. Pour aller plus loin, découvrez les meubles célèbres en peinture !
C’est le cas du peintre Q. Van Brekelenkam avec son tableau dédié à la Marchande de poisson en 1660 ou encore de Joaquim Beuckelaer, l’un des premiers artistes peintres qui donna naissance à la nature morte, qui représente le marché aux poissons d’Anvers au milieu du XVIème siècle. Si l’idée est bien ici de mettre au premier plan l’abondance des produits de la mer de la ville, l’objectif est toutefois de retenir la scène évangélique au deuxième plan du tableau. En effet, le marché du XVIème siècle n’avait pas spécialement bonne presse au dire des contemporains de l’époque. Des femmes de mauvaise vie semblaient se servir du marché pour cacher leurs activités de prostituées !
La poissonnière par Adriaen van Ostade
Qui aurait pu croire que de simples pièces de mobilier de métier puissent être un alibi pour réaliser un tableau aux vertus morales. Même détourné de son usage, le meuble de métier a traversé les époques en retrouvant notamment une seconde jeunesse dans nos intérieurs.