Comme toujours, il est difficile, voire impossible de comprendre l’émergence d’un mouvement artistique ou l’importance d’un personnage sans comprendre ce qui s’est passé avant. Rien ne sort du néant et c’est comme ça que l’on remonte inexorablement à la nuit des temps.
Alors l’Art Nouveau c’est quoi ? Et Louis Majorelle c’est qui ?
Sommaire
L’émergence de l’Art Nouveau
Né en Angleterre dans les années 1860, en réaction à l’industrialisation du mobilier et la copie en série, le mouvement Arts&Crafts prône d’abord un retour à l’artisanat d’art, à la revalorisation du travail ouvrier et aux beaux objets. C’est dans celui-ci que l’Art Nouveau puise ses racines.
Autant le dire tout de suite, l’emploi du mot « racine » n’est pas fortuit puisque l’Art Nouveau qui émerge en France au tournant des années 1890 s’inspire principalement de la nature et de ses courbes. Parfois qualifié de « style nouille », il regorge d’arabesques et autres volutes très exubérantes. Les artistes Art Nouveau sont botanistes et spécialistes du monde marin qu’ils observent parfois à la loupe. Il est également une ode à l’asymétrie et combat âprement les lignes droites.
Une révolution dans l’habitat
A peu près au même moment, de nombreux travaux apparaissent sur l’amélioration de l’habitat et les mesures d’hygiène nécessaire à des lieux d’habitation salubres. C’est aussi la période où les grandes villes se transforment avec la création de parcs, de grandes avenues et de réseaux d’égouts (même si ce dernier élément n’a pas grand-chose à voir avec notre sujet !). La maison devient un lieu de protection, de confort qui nécessite de consacrer du temps et de l’argent à son aménagement mais elle peut être aussi un objet de fierté et un signe de réussite sociale. La maison réunit en elle-même un paradoxe : elle est le lieu de l’intime et espace public. Dans tous les cas, elle appelle au confort et au bien-être et les intérieurs, désormais paisibles, aspirent à une esthétique globale qui passe par les décors, le mobilier, les luminaires…
Un art total
Le mouvement Art Nouveau concerne de nombreux domaines artistiques qui se répondent les uns aux autres. L’architecte français Hector Guimard est en un parfait exemple. Lorsqu’il imagine le Castel Béranger (1895-1898) situé dans le XVIème arrondissement à Paris, c’est le bâtiment entier et ses décors qui sont concernés : des mosaïques des sols en passant par les vitraux et les papiers peints. En outre, qui n’a pas levé la tête en franchissant les accès de stations de métro dessinées par l’architecte ? Ce sont d’incroyables structures en fonte toute faits de motifs végétaux…
L’École de Nancy
Les artistes et artisans sont nombreux plonger dans cet art organique et certains créent même des écoles. C’est le cas de l’École de Nancy dont les statuts ont été déposés en 1901. Pour la petite histoire, c’est à la suite de l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine après la guerre de 1870 que des industriels, des artistes et autres artisans ont quitté ces territoires devenus allemands pour s’installer à Nancy. En plein vogue de l’Art nouveau, ils ont ajouté
aux motifs floraux et marins des messages chargés de symboles. Ainsi Émile Gallé, grand ébéniste et maître verrier, futur président de l’École de Nancy, présente à l’Exposition universelle de 1889 une table « Le Rhin » sur laquelle on peut lire la citation suivante « Le Rhin sépare des Gaulles toute la Germanie ». C’est tout à fait clair n’est-ce pas ?
Louis Majorelle en constante évolution
Mais revenons à l’École de Nancy et plus particulièrement à l’un de ses fondateurs : Louis Majorelle.
En 1860, Auguste Majorelle, le père de Louis, ouvre à Nancy un atelier de meubles et d’objets d’art d’inspiration japonisante et la copie de styles qui obtient rapidement du succès. Louis, né en 1859, l’aîné des huit enfants, grand passionné d’art est obligé de quitter l’École des Beaux-Arts à Paris, pour reprendre l’entreprise familiale à la mort d’Auguste en 1879. Aidé par les ouvriers de son défunt père et grâce aux solides connaissances qu’il acquiert, il reprend la direction artistique de la maison. Il se tourne alors vers des copies de mobilier Louis XV qui rencontre un immense succès. Mais c’est sa rencontre avec le travail d’Émile Gallé qui va orienter son travail et asseoir sa renommée internationale.
Émile Gallé, qui a repris l’entreprise de porcelaine et de cristaux familial en 1877, entreprend un travail approfondi sur la fabrication du verre et sur des innovations esthétiques sur sa décoration. Grand nom de l’Art Nouveau, il crée des vases, des lampes ornées de motifs floraux, de nénuphars, de papillons… Il développera sa production grâce à l’industrialisation de pièces de qualité.
Dès la fin des années 1890, Louis Majorelle développe alors une nouvelle esthétique en intégrant les courbes et les influences de l’Art Nouveau. Il inclut désormais à ses meubles des nénuphars, des chardons, des libellules, des pissenlits ou même des orchidées. Il signe par exemple des guéridons tout en courbes soutenus par des tiges ornées de nénuphars stylisés, un meuble étagère sculpté de feuilles et fleurs de clématites.
Mais l’ébéniste Majorelle cherche à toujours élargir son horizon et en 1897, il ouvre un atelier spécialisé dans le travail du métal pour fabriquer les bronzes qui orneront son mobilier mais aussi des luminaires.
La Villa Majorelle à Nancy : une maison dédiée à l’Art Nouveau
Et parce que l’Art Nouveau est un complet style de vie, Louis Majorelle se fait construire une villa, aujourd’hui classée Monument historique, entièrement dédiée à l’Art Nouveau. La première du genre. Pour l’imaginer, Louis Majorelle fait appel à un jeune architecte parisien, Henri Sauvage, et initie une collaboration entre plusieurs artistes. C’est ainsi que Jacques Gruber signe tous les vitraux, Francis Jourdain les peintures… et Louis Majorelle lui-même les ferronneries, les boiseries et le mobilier.
Parmi toutes ces œuvres d’art, nous retiendrons l’exceptionnel escalier et sa rampe sculptée ainsi que l’étonnante cheminée en grès flammé. D’inspiration essentiellement végétale, la maison est décorée d’arbres fruitiers, d’animaux de basse-cour et de légumes. Quant au mobilier Majorelle, il est tout en courbe incrusté de nacre et cuivre.
Depuis sa rénovation, la villa Majorelle – ou villa Jika, les initiales de l’épouse de Louis Majorelle – est ouverte au public.
Louis Majorelle, l’un des plus grands noms de l’Art Nouveau est encore aujourd’hui exposé dans le monde entier. A ne pas confondre avec son fils, le peintre Jacques Majorelle, le créateur du jardin Majorelle à Marrakech, ancienne propriété de Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent. La villa en son cœur, éclatante de bleu, est un haut lieu touristique Art déco.