Si on parle aujourd’hui de l’effet papillon – souvenez-vous, le météorologue Edward Lorenz qui disait en 1971 que « le battement d’aile d’un papillon pouvait provoquer une tornade au Texas », le principe n’est en réalité par si nouveau : au XVIIIe siècle, ce sont des fouilles archéologiques qui vont avoir une influence sur les créations des ébénistes !
A cette époque, le style Louis XV, tout en courbes inspirées de la nature, des pieds de meubles en forme de pattes d’animal, est à son apogée quand, en Italie, a lieu un événement qui va changer la face des meubles. Quel est donc ce bouleversement ? Ce sont les fouilles à Herculanum (1738) et Pompéi (1748) qui ont été ensevelis en 79 av. J.-C. sous plusieurs mètres de cendres après une éruption particulièrement violente du Vésuve. La redécouverte de l’art antique va avoir de grandes conséquences sur l’art en général et sur la conception des meubles en particulier !
Sommaire
Avec Louix XVI, fini le rococo
La surenchère ornementale du style Louis XV fatigue et agace. Quand c’est trop c’est trop ! Le style Transition, qui porte bien son nom puisqu’il est à la charnière entre le style Louis XV et celui de Louis XVI, laisse de côté les excès « rococo » pour faire la part belle aux nouvelles influences italiennes
C’est le moment où le classicisme refait surface : l’architecture se dote de colonnes, de frontons et de portiques ; la peinture néoclassique pointe le bout de son nez et les ébénistes abandonnent les références au végétal et à l’animal pour se concentrer sur les formes droites et géométriques. Les proportions sont désormais respectées et l’équilibre devient le synonyme de l’élégance.
Les artisans utilisent à nouveau l’ébène et tournent leurs yeux vers des bois exotiques comme l’acajou ou l’amarante. Certains des ébénistes de l’époque vont connaître une renommée internationale.
Louis Delanois, le créateur de la chaise médaillon
Né en 1731, Louis Delanois est l’un des ébénistes les plus fameux du XVIIIème siècle. Installé rue des Petits Carreaux à Paris, il travaille pour des marchands, des riches collectionneurs et des nobles en vue. Certains de ses sièges, sa spécialité, iront d’ailleurs chez le Comte d’Artois, le Prince de Condé et principalement chez la comtesse du Barry, la favorite de Louis XV.
En 1769, il invente la chaise médaillon ! Dotés de pieds cannelés, c’est-à-dire en colonnette plus étroite à la base, en hommage à l’art antique, elle dispose d’un dossier ovale et d’une assise rembourrée. De quoi ravir les dames de la Cour !
Les plus célèbres d’entre elles sont probablement « les 13 chaises en bois de noyer et à pieds cormiers à double châssis » commandés par la comtesse du Barry pour son appartement de Versailles. Sculptées par Joseph-Nicolas Guichard et dorées par Jean-Baptiste Cagny avec lesquels Louis Delanois collabore régulièrement, elles ont un dossier différent pour l’été et l’hiver. Pendant les jours chauds, c’est un satin blanc aux fleurs brodées de soie qui les orne tandis que le froid préfère la chaleur du velours. Deux d’entre elles sont encore visibles dans le salon d’angle à Versailles.
Pour la petite histoire :
La chaise médaillon fait partie des nombreux meubles inventés au XVIIIe siècle pour un usage féminin. C’est par exemple le cas du « Bonheur du jour », un meuble dévolu à l’écriture conçu vers 1760 que les femmes installent dans les boudoirs et qui doit absolument avoir un compartiment secret ! La table guéridon est faite pour le jeu : disposant d’une ceinture à tiroirs, elle a un plateau en marbre et peut accueillir en son centre une lampe à encoches qui permet aux joueurs de ranger leurs pions.
Quand la chaise médaillon traverse les siècles
Déclinée sans interruption jusqu’au XXe siècle dans les châteaux et les maisons bourgeoises, elle trouve grâce auprès d’un modéliste de talent dont le premier succès est sans conteste le tailleur en pied-de-poule noir et blanc : Christian Dior ! Lorsqu’il ouvre sa première boutique à Paris en 1946, la chaise médaillon y tient une place de choix. Dans un décor néo-classique gris et blanc qui sera sa marque de fabrique, avec leur dossier en toile de Jouy, elles n’en finissent pas d’éblouir les invités. Après avoir vécu les affres de la cour de Versailles, elles sont ainsi devenues spectatrices silencieuses du Tout Paris.
Des chaises du monde entier
Plus de 70 ans plus tard, la Maison Dior invite 17 artistes et designers venus du monde entier à revisiter la célèbre chaise médaillon, icône de la maison. La chaise 3.0 du japonais Nendo est entièrement réalisée en feuilles de verre trempées dans du sel fondu de potassium. Entièrement transparentes, elles sont aussi déclinées en version givrées noires et roses, couleurs qui évoquent la Maison Dior. La designer française d’origine iranienne, India Mahdavi, a quant à elle réinterprété la chaise médaillon en lui donnant des motifs très colorés.
« Miss Dior » : la chaise médaillon comme élément phare du luxe
Philippe Starck, pour sa première collaboration avec la Maison Dior, imagine quant à lui, une chaise médaillon affinée, toute en aluminium. Baptisée « Miss Dior », elle est d’une légèreté très aérienne. Le designer français, interrogé sur Miss Dior explique que « les chaises, c’est un exercice intéressant parce que c’est très difficile malgré les apparences… légèrement un peu plus facile qu’aller sur la Lune, mais pas très loin comme difficulté ».
Non seulement, la chaise médaillon a traversé les siècles, mais en visant la lune, elle a atterri dans les étoiles !
La chaise médaillon dans nos logements d’aujourd’hui
Cette chaise est encore très appréciée aujourd’hui dans la décoration d’intérieur pour le charme qu’elle apporte à une pièce. Le côté typique qu’elle dégage, mais aussi ses ligne épurées lui permet de s’adapter à n’importe quel style. Dans le commerce, vous trouverez des chaises médaillons d’occasion ou neuves, pour plaire au plus grand nombre !