Les années 60 sont une époque charnière pendant laquelle les aléas de l’histoire vont avoir des conséquences directes sur la création et l’art en général. L’après-guerre, les bombes lancées sur Hiroshima et Nagasaki, la guerre froide entre les États-Unis et la Russie ainsi que la course à la conquête spatiale lancée entre les deux pays vont ainsi influencer les architectes et les designers.
Après avoir célébré l’architecture minimaliste, épurée et fonctionnelle prônée par le Bauhaus, c’est aujourd’hui une architecture et un design aux formes arrondies prônant l’humour et la légèreté et annonçant le Space Age qui va explorer les formes futuristes, les motifs galactiques et les couleurs vives.
Les designers utilisent de nouveaux matériaux comme le plastique, la fibre de verre ou l’aluminium et imaginent des objets aux lignes courbes, modulables et colorés. Il faut de la joie dans les intérieurs ! C’est dans ce mouvement qu’est né le fauteuil Elda de Joe Colombo. Retour sur son histoire et ce meuble mythique.
Sommaire
Le mouvement nucléaire : une architecture politique
C’est dans ce contexte que le peintre et sculpteur Enrico Baj, fonde le mouvement nucléaire en 1950. Quelques années auparavant, l’artiste s’était déjà illustré en se moquant des dignitaires fascistes. Cette fois-ci, avec Sergio Dangelo, il compte bien défendre un art éloigné de la rationalité et de la géométrie en prônant l’anachronie, la rondeur et l’imagination sans limite. Baj est d’ailleurs considéré comme un pataphysicien : il conçoit des solutions imaginaires en mettant sur le même plan et l’imaginaire justement.
Diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Brera située à Milan, Joe Colombo adhère à ce mouvement nucléaire teinté d’anarchie. Intéressé par l’architecture, le jazz puis la sculpture, il imagine d’ailleurs une ville nucléaire souterraine. Au début des années 60, Joe Colombo se tourne vers le design et crée son propre studio avec son frère Gianni.
La première création : un luminaire à la transparence astrale
En 1962, Joe et son frère Gianni imaginent une lampe faite en acrylique de forme courbe dans le prolongement d’une plaque en marbre. D’abord baptisée modèle 281, elle prend le nom d’“Acrilica ” en référence au matériau utilisé.
Fauteuil Elda : naissance d’une légende
L’année suivante, alors qu’il visite un chantier naval, Joe a l’idée d’utiliser la fibre de verre et de la mouler pour fabriquer un fauteuil. Le résultat ? C’est le fabuleux fauteuil Elda, du nom de sa femme. Le mobilier futuriste est alors en plein essor : alors que Joe Colombo travaille son moulage, le suédois Verner Panton imagine une chaise en forme de S qui deviendra très vite un « must have » et le finlandais Eero Aarnio crée la célèbre Ball Chair. Mais si vous la connaissez ! Elle apparait dans la série Le Prisonnier avec Patrick McGoohan ou bien encore dans Mars Attack !
Joe Colombo a façonné un fauteuil autoportant, pivotable à 360 °, spacieux et confortable grâce à ses sept coussins en cuir rembourré. Une fois installé à l’intérieur, le chanceux qui s’y assoit a la tête complètement enveloppée et protégée par le dossier. Car ne l’oubliez pas, pour l’artiste, le design doit être avant tout fonctionnel.
C’est parce qu’il recherche le confort et la flexibilité qu’il créera quelques années plus tard la Tube Chair composée de quatre cylindres creux modulables. En 1969, alors qu’il travaillait sur une cellule d’habitation autonome, Joe Colombo meurt d’une crise cardiaque le jour de ses 41 ans.
Quand Elda devient une star de cinéma
Le fauteuil Elda n’est pas en reste côté cinéma puisqu’on peut le voir dans Hibernatus un film d’Edouard Molinaro mais aussi L’espion qui m’aimait, un James Bond avec Roger Moore et plus récemment dans Hunger Games.
Mais pour ceux qui étaient enfants dans les années 80, vous vous souvenez sûrement de cette série Cosmos 99 avec Martin Landau dans le rôle du capitaine John Koenig à la tête de la base lunaire alpha qui errait sans fin dans l’espace. Une star se faisait discrète dans cette série britannique : un fauteuil Elda d’un blanc immaculé.
Une pépite ultra contemporaine
Ce fauteuil qui fait partie des iconiques du Space Age a toujours la côte ! I Cette pépite du design, exposée au MoMA et au Louvre, est aujourd’hui fabriquée par la Maison Longhi qui en édite plusieurs modèles dont un légèrement modifié pour en permettre une utilisation de bureau et un autre créé à l’occasion des 60 ans de sa création. Il s’agit de la Golden Edition, créée selon le design original dans des moules réalisés à la main, entièrement habillé d’un revêtement spécial en cuir doré. Ne vous précipitez pas pour l’acheter, il n’en existe que 20 exemplaires, tous numérotés, dont l’un se trouve à Milan dans la vitrine de la boutique de la maison Longhi.
Il est également possible de trouver des pièces vintages des années 1960 mais il faut y mettre le prix : il est difficile d’en trouver à moins de 10 000 euros. Si certains ont une structure en fibre de verre noire, celle-ci est généralement blanche et les couleurs des coussins vont du noir au caramel en passant par le blanc évidemment, le rouge et plus rarement le gris.