La question du sommeil dans l’Antiquité est souvent abordée sous l’angle des pratiques culturelles et sociales, plus rarement sous celui de l’ameublement. Pourtant, les Égyptiens, connus pour leur raffinement dans la fabrication des objets du quotidien, ont une approche bien particulière du sommeil. Alors, comment dorment-ils ? Quel mobilier utilisent-ils pour se reposer ? Mais avant de nous pencher sur ce mobilier spécifique, allons faire un tour du côté de la symbolique du sommeil…
Sommaire
La symbolique du sommeil
A l’instar des Grecs qui font du sommeil (Hypnos) et de la mort (Thanatos) des frères jumeaux, les Égyptiens relient les deux. On se réveille de la mort pour arriver dans une autre vie comme on se réveille du sommeil. Le rêve est ainsi une autre réalité dans laquelle on peut vivre des événements tout à fait réels. Il est aussi un moyen d’entrer en communication avec les dieux. Ainsi, les pharaons utilisent le pouvoir des rêves pour renforcer leur autorité tandis que le peuple se tourne vers des guides pour tenter de les déchiffrer. Il existe d’ailleurs une collection de papyrus renfermant les interprétations de plus d’une centaine de rêves, bons ou mauvais. Pour se protéger de ces derniers, les Égyptiens fortunés font décorer – les autres dorment sur des paillasses constitués de feuilles de palmier – leurs lits des représentations de protecteurs comme Taouret, la divinité de la fertilité et la protectrice des enfants. Ils entourent également leurs lits de différentes amulettes.
Quant aux Pharaons, ils sont enterrés avec des lits qui participent au voyage de leur âme vers l’autre monde. Un ensemble de lits funéraires dorés est ainsi retrouvé dans la tombe de Toutankhamon par les archéologues. L’un d’entre eux a fait partie de l’exposition « Toutankhamon » à la Villette en 2019. Fabriqué en ébène et couvert de feuilles d’or, il a des pieds en forme de pattes de lion tandis que sur la tête de lit est gravée d’images du dieu Bès et de la déesse Taouret.
Le dieu Bès
Il est la seule divinité qui ne soit pas représentée de profil. Presque toujours figuré de face sous la forme d’un nain aux grandes oreilles et aux jambes arquées, il est un dieu bienveillant très présent dans le culte domestique. Protecteur du sommeil aux traits grimaçants, il éloigne les esprits maléfiques.
Le mobilier de sommeil des Égyptiens
Le mobilier de nuit de l’Egypte Antique est un mélange de simplicité et de raffinement. Le lit, pièce essentielle de l’ameublement Egyptien, est bien plus qu’un simple support pour dormir. Il symbolise aussi le statut social de celui ou celle qui y dort. Le lit est souvent un simple cadre surélevé en bois ou en métal habillé de cordes tendues ou de lattes et décoré de manière luxueuse pour les élites. Ainsi les plus riches possèdent des lits ornés d’incrustations d’ivoire, de pierres semi-précieuses et d’or. Si la surface de couchage est relativement dure, elle peut être en quelque sorte adoucie par des « matelas » de lin ou de paille tissée. Quant à la structure, elle est souvent ornée de pieds en forme d’animaux, notamment des lions ou des serpents, symbolisant la force et la protection.
Le lit de Toutankhamon
Surmonté par des pieds en pattes de lion, il est décoré de divinités protectrices comme le dieu Bès entouré de deux lions chargés de protéger le sommeil du Pharaon.
Des bancs, tables et autres accessoires pour parfaire la chambre Egyptienne
À côté des lits, les Égyptiens utilisent des petits bancs et des tables pour poser leurs effets personnels ou pour servir de supports à des objets rituels. En effet, y sont disposées des amulettes en forme de scarabée par exemple. Ce symbole de renouveau et de protection est censé repousser les mauvais esprits et éviter les cauchemars.
Mais l’objet le plus fascinant est probablement le repose-tête posé au bout du lit et constitué d’un socle sur lequel repose une forme courbe. Dans la mesure où les lits sont durs, les repose-têtes fournissent un peu plus de confort en soutenant la tête et la nuque. Ils servent aussi à protéger les coiffures sophistiquées des Égyptiens.
Fabriqué en bois, en ivoire, en bois ou même en argile, ils peuvent devenir de vrais objets décoratifs. Les plus raffinés peuvent être incrustés de pierres précieuses.
Mais leur rôle n’est pas seulement pratique et vient croiser les croyances égyptiennes. Le dormeur – comme le défunt- ayant la tête surélevée est prêt, comme le soleil qui se lève, à accueillir la renaissance du réveil.
Le musée des antiquités de la bibliothèque d’Alexandrie possède un appui-tête datant du IIIème siècle av J-C fabriqué en albâtre. Retrouvé dans une tombe, il fait partie intégrante du mobilier funéraire. Outre la portée symbolique de la position du défunt, il permet en surélevant la tête d’empêcher que celle-ci ne se détache du corps ce qui représente un obstacle majeur à la résurrection.
Si aujourd’hui nous accordons une grande importance à la qualité de notre matelas et à l’ameublement de nos chambres, les Égyptiens ne négligent pas cet aspect de leur quotidien. Leur mobilier, conçu pour allier confort et symbolisme, est le reflet de leurs croyances spirituelles. A travers ces objets, on entrevoit une civilisation où l’art de dormir n’était pas qu’une nécessité, mais aussi un moyen de se connecter au divin.