La coiffeuse, meuble emblématique de l’intimité et du soin personnel, se situe à la frontière entre l’intime et le public. Il est celui qui voit la transformation, la mise en beauté, ce chemin en quelque sorte de ce qui se cache à ce qui se montre, tout en devenant un meuble d’apparat – de ceux que l’on montre – symbole de la puissance et de la richesse de son propriétaire. Retraçons ensemble l’histoire du meuble coiffeuse.
Sommaire
L’histoire de la coiffeuse : un ancêtre lointain
L’ancêtre de la coiffeuse est la table de toilette et il semble qu’elle existe dès l’Antiquité. Ainsi, la femme représentée dans la Villa des Mystères à Pompéi semble être assise devant une table de toilette. Si ce meuble porte ce nom c’est que l’on y dispose une fine toile (toilette) servant à mettre à l’abri les objets précieux. Au Moyen-Âge, les femmes utilisent des tables ordinaires sur lesquelles sont posés des miroirs en métal poli.
A cette époque, le rapport à l’hygiène est totalement différent d’aujourd’hui car l’eau est encore perçue comme un élément dont il faut se méfier car son utilisation rendrait le corps vulnérable aux microbes. Bien sûr il existe des étuves et des bains publics mais ils sont surtout des lieux festifs, de désordre et de violence qui seront définitivement interdits au milieu du XVIème siècle.
La coiffeuse : un marqueur social
Au XVII ème siècle, le meuble coiffeuse devient incontournable car le rapport à l’hygiène et à la propreté évolue. Tout, à cette époque, réside dans ce qui se voit. Le linge propre devient le marqueur de la propreté – c’est pour cette raison qu’il doit être blanc – et celle-ci est une affaire de spectacle. C’est le siècle des teints blancs – à l’opposé de celui halé et buriné des paysans et des travailleurs de l’extérieur – et des perruques. Tous les fards, poudres et onguents prennent leur place dans des meubles coiffeuses somptueux souvent ornés de marqueteries complexes, de dorures et de motifs floraux. Elles sont en noyer ou en chêne, avec une surface polie, décorées de sculptures de miroirs sur pied et possèdent des tiroirs, vrais ou non.
Les coiffeuses sous la monarchie
Avec le style Louis XV qui apparaît, les coiffeuses sont fabriquées en bois de rose, sont ornées de bronze dorée et reflètent le rococo de l’époque. On y trouve des pots à poudre, des peignes en ivoire et des flacons de parfum. On travaille sur le visible, tout ce qui se voit, se fard et se sublime.
L’ébéniste préférée de Marie-Antoinette, Jean-Henri Riesener, réalise des coiffeuses uniques au monde aux mécanismes complexes qui permettent de les fermer d’un simple tour de clé. En acajou et placage d’acajou marqueté de fins filets bicolores, elles cachent des compartiments garnis de tapis vert et des logements pour les flacons et accessoires de toilette. En 1784, il livre également aux Tuileries un meuble coiffeuse en acajou aux lignes épurées.
Un symbole de puissance même pendant l’Empire
Avec la fin de la monarchie absolue, la Révolution puis l’avènement de l’Empire, le mobilier prend des allures monumentales, uniformes et s’inspire de l’art antique. Les coiffeuses en acajou s’ornent de colonnes et de motifs impériaux. Les meubles coiffeuses sont encore des symboles de puissance et de pouvoir et trônent dans les boudoirs, ces espaces à mi-chemin entre le public et le privé où évoluent toutes les femmes de la bonne société. Le meuble coiffeuse se voit et fait parler de lui !
A ce titre, la coiffeuse de Joséphine de Beauharnais réalisée en 1804 par les frères Jacob est un exemple parfait. En acajou, marbre et verre, elle supporte un immense miroir octogonal au cadre doré. Ses pieds dorés en forme de lyre rappellent la mythologie grecque et notamment l’instrument enchanté d’Orphée. Visible au musée du Château de Malmaison, elle est un symbole du pouvoir de l’empereur.
Avec l’Art Nouveau, la coiffeuse se part me courbes et motifs floraux
Avec la période Art Nouveau, les meubles coiffeuses se font courbes inspirées de la nature. La beauté, elle, se fait plus naturelle, les artifices trop lourds disparaissent et on cherche à se rapprocher du végétal. Louis Majorelle par exemple imagine un meuble coiffeuse en noyer massif sculpté au plateau marqueté illustrant deux abeilles sur des feuilles de fougère tandis que le miroir est soutenu par des montants ligneux. La propreté est désormais un travail de l’invisible et les cabinets de toilette deviennent des espaces strictement privés. Le mobilier associé perd donc son rôle d’apparat et est désormais une promesse d’intimité.
Le meuble coiffeuse contemporain
Si les meubles d’époque et le mobilier vintage ont toujours la côte, les coiffeuses contemporaines se font minimalistes, modulables pour s’adapter au mode de vie des femmes qui l’utilisent. On en trouve pour tous les goûts, toutes les couleurs, des rondeurs claires du mobilier nordique aux miroirs à led en passant par des meubles style industriel. Multifonctionnelles, elles peuvent trouver leur place dans toutes les pièces de la maison sans pour autant perdre leur caractère intime et privé.
La coiffeuse a toujours été plus qu’un simple meuble, elle est un témoin de l’évolution de la beauté, de la transformation du rôle des pièces de la maison, de la place donnée aux femmes, de la limite entre l’intime et le public, de l’évolution du principe de la propreté. Le meuble coiffeuse est un témoin de l’histoire.