Objet à la fois utilitaire et décoratif, le tapis a une histoire fascinante qui traverse les âges et les continents. Symboles de prestige et d’artisanat d’exception, les tapis ont été utilisés pour réchauffer, orner et sublimer les espaces de vie depuis des millénaires. Ils sont aujourd’hui dans tous les appartements et toutes les maisons, ils sont carrés, ovales ou rectangulaires, à poils longs ou ras, sous les tables ou au pied des lits. Mais d’où viennent ces objets du quotidien à l’origine de tant d’expressions comme « se prendre les pieds dans le tapis » ? Retour sur l’histoire du tapis…
Sommaire
Les origines du tapis :
Les premiers tapis tissés remontent à l’Antiquité, bien avant qu’ils ne deviennent les objets raffinés que nous connaissons aujourd’hui. Fabriqués à la main en laine de mouton par les femmes des peuples nomades d’Asie centrale, ils remplacent peu à peu les peaux de bêtes et servent à dissimuler une ouverture, à protéger du vent mais ils sont aussi posés sur le sol ou servent de cloisons souples.
En 1949 dans une vallée de Sibérie, un archéologue russe retrouve un tapis datant du Vème siècle av J-C ayant appartenu à un chef de peuple nomade, les Scythes. Pris dans la glace, il a traversé les siècles et il est aujourd’hui visible en parfait état au musée de l’Ermitage à Saint Pétersbourg. Il est constitué de laine de haute qualité rouge et or, on peut y distinguer des chevaux et leurs cavaliers ainsi que motifs géométriques.
Un voyage jusqu’à l’Europe
Les premiers tapis arrivent en Europe aux alentours du XIème siècle, transportés par les croisés revenant d’Orient. Comme les épices, ils sont alors objets luxueux d’exception et sont exposés comme tels sur les murs ou sur les tables. Au cours du Moyen Âge et de la Renaissance, les tapis ont joué un rôle central dans l’art et la culture des grandes civilisations. À la cour des rois, ils sont utilisés pour revêtir les sols des palais comme symbole de luxe et de puissance.
Les millefleurs, des tapis typiques du XVème siècle, comportent une scène centrale entourée d’un décor fait de petites touffes de fleurs ou de feuilles.
Leur production devient un domaine très dynamique qui attire de nombreux capitaux. A côté des manuscrits enluminés et des objets d’art précieux, les tapis et tapisseries sont les plus prisées des commandes artistiques à la fin du Moyen Âge. Les princes, les banquiers et bientôt les bourgeois s’offrent des tentures, comme la famille Le Viste, commanditaire de la célèbre Dame à la licorne.
La Dame à la Licorne
Série de six tapisseries datant du début du XVIème siècle conservée au musée national du Moyen-Âge de Cluny commandée par Jean le Viste. Elle est ensuite retrouvée par Georges Sand au Château de Boussac.
Au XVIème, s’ils sont importés de Téhéran, un centre majeur de production de tapis, ils sont aussi fabriqués en France où apparait un nouveau genre de tapisseries : les verdures. Le sujet principal est une nature sauvage peuplé d’animaux, d’arbres fruitiers et de petites fleurs. Un peu plus tard, dans la première moitié du XVIIème siècle, les tapis reprendront des personnages des romans sentimentaux qui ont rencontré beaucoup de succès.
Le métier à tisser
Si les premiers métiers à tisser existent déjà à l’Antiquité, constitués d’un cadre en bois sur lequel on tend des fils, c’est au Moyen-Âge, qu’ils commencent à être équipés de pédales qui permettent de soulever alternativement les lisses et permettent ainsi de créer des motifs complexes. A partir du XVIIème siècle, les métiers à tisser se mécanisent puis en 1801, Joseph Marie Jacquard invente une nouvelle machine équipée d’un mécanisme en fonte qui sélectionne les fils à partir d’une carte perforée. C’est une révolution dans l’industrie textile !
La révolte des Canuts
En 1831, les tisserands lyonnais (les canuts) se révoltent car leurs revenus leur permettent à peine de survivre. La généralisation des métiers Jacquard a pour conséquence une diminution de la main d’œuvre, et malgré une production bien plus soutenue, les Canuts meurent de faim. Le 19 novembre 1831, ils descendent de la colline de la Croix-Rousse et font face à la Garde nationale qui se ralliera finalement à eux. Le revenu minimum sera abrogé.
L’essor des tapis d’Aubusson
La région d’Aubusson, a joué un rôle crucial dans l’histoire du tapis, notamment au XVIIe et XVIIIe siècles. Sous le règne de Louis XIV, les tapis sont devenus des éléments essentiels de la décoration des châteaux et des résidences royales, symbolisant la grandeur et l’élégance de la cour. Son conseiller Colbert est à la manœuvre et ses manufactures sont les premiers pas vers une industrialisation en France. C’est ainsi qu’en juillet 1665 est créée la Manufacture royale d’Aubusson. En essor continu, la production des tapis dépasse celles des tapisseries murales et au début des années 1860, 2200 ouvriers sont employés à la production des tapis à Aubusson.
Le travail des tisserands d’Aubusson se caractérise par une grande précision technique et une remarquable variété de motifs, allant des scènes allégoriques aux paysages bucoliques. La ville reste aujourd’hui une référence mondiale pour la qualité de ses tapis, et elle a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2009.
L’ère moderne : du tapis traditionnel à l’industrialisation
L’invention de la machine à tisser par l’anglais John Kay en 1733 permet à l’artisanat textile de passer à l’ère industrielle. Les tapis sont désormais produits en grande quantité et à moindre coût, démocratisant leur usage et élargissant leur accessibilité. Les nouveaux matériaux synthétiques vont accélérer la tendance et font passer le tapis d’objet réservé à une élite à un objet de consommation courante.
Le tapis, réinventés aujourd’hui
Aujourd’hui, de nombreux designers travaillent pour créer des tapis originaux, s’inspirant des formes géométriques ou de la nature. Certains sont vus comme des œuvres d’art et ont exposés comme tel dans des magasins de luxe qui reprennent les codes des galeries d’Art.
Le tapis a traversé les âges, évoluant avec le temps et les sociétés. Depuis ses origines en Asie centrale, où il servait avant tout à des fins utilitaires jusqu’à nos intérieurs contemporains, le tapis a toujours été un symbole de raffinement, de culture et de savoir-faire.