Le mobilier d’argent du Roi Soleil est un trésor disparu. Comme l’Atlantide, il est presque devenu un mythe. Mais contrairement au continent englouti, personne ne le cherche plus car il a bien et bel fondu, plongé tout entier dans les fours de la Monnaie royale. A Versailles, son éclat, symbole de la toute-puissance du roi, a duré sept ans avant de s’éteindre en quelques mois…
Sommaire
Vingt tonnes d’argent massif
Au cours du XVIème siècle, quelques 16 000 tonnes d’argent sont extraites des mines du Mexique et du Pérou pout ensuite être transportées vers l’Europe. Cette profusion de métal précieux lance la mode du mobilier d’argent pour les élites. Le mouvement commence en Espagne avant de s’étendre à toute l’Europe.
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Louis XIV règne en monarque absolu depuis la mort de Mazarin en 1661. Grâce à Colbert et ses énergiques réformes, il se trouve à la tête d’une immense fortune qu’il va utiliser pour glorifier la monarchie. C’est ainsi, qu’en 1664, il lance les premières commandes de pièces de mobilier royal. Le processus de fabrication en est long et complexe. Les dessins à la plume et à l’encre sont d’abord tracés par Charles Le Brun, le premier peintre du roi avant la réalisation des maquettes. Viennent ensuite la fabrication du moule puis la fonte du métal. Les corps de métier qui interviennent vont bien au-delà de l’orfèvrerie. Les Galeries du Louvre, la Manufacture des Gobelins et les talentueux orfèvres de la corporation parisienne se mettent à l’ouvrage.
Illustration du Mobilier d’argent – Galerie des Glaces
Château de Versailles
Meubles d’argent : l’histoire en mouvement
Les premières pièces de mobilier sont, dans un premier temps, transportées d’une Maison royale à une autre, au gré des déplacements du monarque. Elles sont pièces d’apparat et ne sont sorties des étuis de cuir qui les protègent que pour les fêtes religieuses ou les événements diplomatiques. Elles sont déjà l’objet d’un véritable engouement. Et pendant ce temps, les orfèvres et autres artisans continuent de travailler sans relâche.
Pendant vingt ans, ils s’attellent à l’édification du monumental mobilier !
Mobilier d’argent – Scénographie
L’installation de la Grande Argenterie du Roi
En 1682, Louis XIV installe toute sa cour à Versailles. Il s’agit pour lui d’éloigner la noblesse de Paris et de la « domestiquer ». S’il y parvient en lui faisant respecter l’étiquette à la lettre, il va aussi l’éblouir. Car, au même moment les 200 pièces de la Grande Argenterie prennent peu à peu place dans les sept salons du Grand Appartement.
Elles sont gigantesques et gravées de scènes mythologiques, d’emblèmes royaux et de références à Apollon. Les tables de 350 kg sont couvertes de plats et de vases, les miroirs de 450 kg font le bonheur des narcisses, les chenets et les accessoires de cheminée reflètent les éclats du feu. De magnifiques bancelles sont installées et certaines ont des broderies si précieuses qu’elles sont protégées par des housses en taffetas. La balustrade qui isole le lit royal pèse plus d’une tonne tandis que le trône d’argent, lui, est installé en haut d’une estrade. Tout est fait pour impressionner !
Illustration du trône d’argent
A noter
Dès la saison 1682/1683, Louis XIV reçoit les lundis, mercredis et vendredis de 18h à 22 heures. Des milliers de bougies sont installées et c’est un décor féérique qui se matérialise devant les yeux des courtisans. Il sera largement responsable de la renommée du mobilier d’argent.
La chute du mobilier d’argent à Versailles
Le 18 octobre 1685, Louis XIV révoque l’Édit de Nantes. Désormais, seule la religion catholique est autorisée en France. Les nombreux protestants de la cour fuient les uns après les autres. Au total, plus de 100 000 personnes quittent le pays : des bourgeois prospères mais aussi des artisans emportant avec eux leur savoir-faire. Et bientôt le roi doit faire face à la guerre. Pour la financer, il décide de sacrifier son mobilier d’argent. Le 3 décembre, il annonce à la cour sa décision et dès le 11 décembre, les pièces monumentales commencent à quitter les salons.
La fonte dure pendant six mois. Charles Le Brun n’y survivra pas et meurt le 22 février 1690. En mai, il ne reste plus rien de ce mobilier fabuleux qui concourait au rayonnement du souverain.
Louis XIV n’aura que ces mots pour conclure « La guerre est un art qui détruit tous les autres ». La Grande Argenterie n’est plus. Le mythe peut désormais s’installer…
“Table aux amours assis sur des dauphins”
Dessin en vue de la fonte par Claude Ballin