Comme parfois dans l’histoire, tout commence avec une guerre. Ou plutôt des guerres… Charles VIII, roi de France de 1483 à 1498 aurait-il pu se douter qu’en engageant un conflit avec l’ Italie, il allait faire découvrir le mouvement naissant de la Renaissance à ses successeurs, et plus particulièrement à François 1er ? Lorsque celui-ci arrive sur le trône en 1515, l’ancienne reine Anne de Bretagne a déjà commencé à tisser des liens avec les artistes italiens. Mais c’est bien François 1er, roi emblématique, qui fait venir Léonard de Vinci en France, édifier le château de Chambord et qui est, à tout jamais, le souverain de la Renaissance. Ce mouvement artistique dépasse largement les frontières de la peinture et vient toquer à la porte de toutes les formes d’art, y compris le mobilier.
Sommaire
Les origines de la Renaissance
Comme son nom l’indique, la « Renaissance » est une redécouverte de l’Antiquité. Alors que Dieu était au centre pendant toute l’époque du Moyen-Âge, les hommes du XVème siècle redécouvrent l’humanisme, c’est-à-dire un mouvement qui place l’homme au-dessus de toutes les autres valeurs en même temps que l’intérêt pour les savoirs et la connaissance. Les humanistes sont des penseurs, des lettrés qui lisent les anciens textes latins et grecs. Dans le domaine de l’art, la Renaissance apporte de nombreux changements. D’abord, les thèmes abordés ne se restreignent plus aux sujets religieux et touchent à la mythologie. Les peintres de style renaissance célèbrent la beauté des divinités, l’ architecture s’inspire des monuments antiques, la sculpture sublime le corps de l’homme et son mouvement.
C’est ainsi en Italie que nait ce mouvement, la renaissance italienne, qui va profondément changer le paysage de l’art et de la place de l’homme dans la société. Si Michel Ange en est bien sûr un exemple éclatant, d’autres noms ont traversé les siècles : Verrocchio, Botticelli et bien d’autres encore… Bientôt leurs œuvres et leur esprit vont traverser les frontières…
La Renaissance française
Comme ses prédécesseurs, Charles VIII et Louis XII, François 1er tombe sous le charme de ce renouveau artistique et rentre en France avec de nouvelles idées et bien des envies de style. D’autant qu’il n’est pas seul à traverser la frontière : il est notamment accompagné de Léonard de Vinci qui a lui-même pris dans ses bagages, la Joconde. Le souverain installe le génie italien au château du Clos Lucé et les deux hommes deviennent très proches. C’est d’ailleurs dans les bras de François 1er que s’éteindra Léonard de Vinci en 1519. Mais l’action du roi ne va pas s’arrêter là.
L’ école de fontainebleau
Après avoir lancé la construction du château de Chambord et de son célèbre escalier à double révolution, François 1er s’attaque quelques années plus tard à la décoration de son château de Fontainebleau pour laquelle il fait venir des artistes venus d’Italie. Comme ces derniers s’attellent à la tâche à partir de 1530, le mouvement est lancé et durera jusqu’au règne d’Henri IV. Le château devient le centre d’une véritable école où les artistes travaillent les nus, les scènes mythologiques dans lesquels les proportions, la symétrie et le réalisme en général prennent tout leur sens. Entre la peinture, la sculpture ou l’architecture, le travail sur le mobilier est aussi concerné par le mouvement de la Renaissance. En effet les formes évoluent, les menuisiers ajoutent des pilastres et des colonnes qui rappellent l’architecture antique… Les panneaux sont sculptés de scènes mythologiques, de formes géométriques, de feuillages… Les meubles se dessinent et s’imaginent comme de petits monuments.
Ces meubles qui sont arrivés jusqu’à nous, dont certains sont restés célèbres, font la joie des amateurs, collectionneurs et autres visiteurs de musées. En voici quelques exemples…
L’armoire de Clairvaux
Ce meuble à deux corps, typique du style Renaissance, qui provient de l’abbaye de Clairvaux est considéré comme l’un des plus beaux meubles de cette époque. Fidèle à la fascination des artistes pour l’Antiquité grecque et romaine, le menuisier a sculpté directement dans le bois des figures mythologiques à chaque angle de la partie supérieure du mobilier. Il s’agit de canéphores, ces jeunes filles chargées de porter les corbeilles d’offrande lors des cérémonies religieuses. Les panneaux, quant à eux, sont richement décorés des fameuses corbeilles de fruits, d’oiseaux et de fleurs, autant d’éléments que la Renaissance affectionne particulièrement.
On dit de cette armoire qu’elle est en droite ligne du style d’Hugues Sambin, probablement l’un des plus grands noms du mobilier de la Renaissance française. Cette armoire magnifiquement conservée se trouve aujourd’hui au musée national de la Renaissance.
Armoire décorée signée Hugues Sambin – XVIème siècle
Passé par l’ école de Fontainebleau et à jamais influencé par les ornements du Rosso et du Primatice, le bourguignon Hugues Sambin est à la fois menuisier, sculpteur, graveur… à la tête de son propre atelier.
Il est le créateur d’un véritable bijou de l’ art de la Renaissance : une armoire entièrement sculptée, ornée de caryatides, ces statues de femmes souvent vêtues de tuniques qui remplacent les colonnes dans les monuments antiques. Une figure grimaçante placée entre les deux vantaux supérieurs dissimule l’entrée de la clé derrière sa langue pendante. La somptueuse façade et ses vantaux sont ornés de petits garçons nus qui dansent autour d’un crâne de bœuf, d’un masque humain et de têtes d’ange. Ce meuble a fait partie d’une vente aux enchères chez Drouot en 2022.
Le cabinet vénitien d’Ecouen
Comme l’armoire de Clairvaux, ce cabinet a trouvé sa place au musée de la Renaissance à Ecouen. Les cabinets, ces meubles sur pieds dont la façade comporte des tiroirs et des portes, sont apparus à la Renaissance, directement inspirés de l’architecture antique. Celui d’Ecouen, qui date d’environ 1550, est dit le « cabinet vénitien ». Malheureusement, le nom de son créateur n’est pas connu. Ce dernier a réalisé un cabinet peu commun en forme de théâtre antique dont le travail sur la perspective est typique de la Renaissance. Chaque anneau de la façade cache 31 tiroirs visibles mais aussi des cachettes invisibles dissimulées dans les tiroirs. Pour compléter le tableau Renaissance de ce meuble grandiose, le menuisier artiste a sculpté sur tous les compartiments les épisodes de la vie d’Achille, ce héros grec de la guerre de Troie que sa mère a plongé dans les eaux du Styx, le fleuve des Enfers, pour le rendre invincible.
Le dressoir de Joinville
A l’instar des cabinets, les dressoirs sont des inventions de la Renaissance. Jusqu’à cette période, la vaisselle était simplement posée sur des buffets mais à partir du XVIème siècle, dans les maisons aristocratiques, il s’agit de montrer sa richesse et son pouvoir et les étagères deviennent dressoirs, des meubles qui permettent d’exposer la vaisselle d’apparat. Habituellement, il comporte 5 gradins pour le roi, 4 pour le prince et ainsi de suite… Celui de Joinville date de l’époque de François 1er et appartenait à l’un de ses compagnons d’armes. S’il a perdu ses gradins, il conserve les motifs végétaux et les médaillons sur sa partie supérieure. Il est conservé au musée national de la Renaissance.
Le caquetoire
C’est dans la deuxième moitié du XVIème siècle que ces sièges en forme de trapèze et au haut dossier étroit apparaissent dans les intérieurs aristocratiques. Ces caquetoires permettent aux femmes vêtues de robes avec vertugadins, ces boudins placés sous le tissu au niveau des hanches pour donner de l’ampleur aux vêtements, de s’assoir confortablement et de discuter, « caqueter », avec leurs amies.
Comme quoi, encore une fois, les meubles ne sont pas que des objets déconnectés de leur environnement. Leur histoire fait partie de la grande histoire, celle des hommes et des mentalités. Tout est imbriqué, tout le temps, et il appartiendra à nos descendants de comprendre les liens qui existent entre ce que nous vivons aujourd’hui et notre environnement quotidien. Les contemporains de François 1er, avaient quant à eux, une furieuse envie d’italianiser leur intérieur, comme une envie de soleil qui effleure le bois. Le style Renaissance est un retour à l’essentiel, aux origines de la beauté.