A la fin du XVIIIème siècle, la France est en perpétuel changement et les événements succèdent aux événements. Ainsi, en quelques petites années, le pays a mis fin à la monarchie absolue grâce à une révolution avant de mettre en place la première République. Celle-ci a succédé à la Terreur mise en place par Robespierre avant l’avènement du Directoire, rendu possible par l’exécution de l’Incorruptible en 1794.
C’était sans compter sur Napoléon qui, par le coup d’État du 18 Brumaire a instauré le Consulat en novembre 1799 avant d’être sacré Empereur en 1804. Et c’est à ce moment-là qu’apparait le style Empire… Car, vous l’aurez compris, à chaque période historique correspond un style de mobilier, qui, comme un symbole, est très lié au politique. Adieu donc les signes ostentatoires de la monarchie du style de l’Ancien Régime, les ornements faits de bonnets phrygiens et de cocardes du style Directoire !
Comme Louis XIV en son temps a voulu faire de Versailles la vitrine de son pouvoir absolu, Napoléon veut faire du mobilier un symbole du sien : solide et massif. Mais au-delà du mobilier c’est l’ensemble des arts que Napoléon veut à sa gloire. Retraçons ensemble l’histoire du meuble style Empire.
Sommaire
Des arts au service de l’Empereur
Pour Napoléon, les arts sont faits pour mettre en valeur son pouvoir, le glorifier en quelque sorte. Ils vont lui servir à assoir sa posture d’Empereur solide après les tourments vécus par la France pendant les dernières années du XVIIIème siècle. Pour cela, rien de plus simple… il passe commande !
Dans le domaine architectural ce sont Charles Percier et Pierre Fontaine qui donnent le la. Le premier, fils d’une lingère de Marie-Antoinette, formé à l’école gratuite de dessin puis à l’Académie Royale d’Architecture, admire tout particulièrement l’art antique qu’il a pu étudier à Rome. Architecte des décors de l’Opéra, du Palais des Tuileries, il se voit confier le réaménagement du Louvre et le décor du sacre de Napoléon.
La sculpture et la peinture sont également concernées et les toiles de maîtres, commandées par l’Empire, sont de véritables outils de propagande. Par exemple, la toile « Bonaparte à Arcole » qui représente Napoléon à la bataille d’Arcole lors de la première campagne d’Italie en 1796 montre un chef de guerre fougueux et participe ainsi au mythe napoléonien.
Et comment ne pas parler de Jacques-Louis David nommé Premier Peintre de l’Empereur en 1804 ? On lui doit notamment l’immense toile (six mètres de hauteur sur 10 mètres de largeur) représentant le sacre de Joséphine. Malgré les dimensions de la toile, le regard ne peut que converger vers le centre du tableau où se tient… Napoléon.
Un mobilier impérial
Si Percier et Fontaine ont présidé à l’aménagement ou au réaménagement de chantiers impériaux, ils ont aussi imposé un style aux ébénistes chargés de créer un nouveau mobilier. Ce sont eux qui ont véritablement défini les matériaux, les décors et les formes. Celles-ci sont simples et plutôt massives, faites de lignes droites et d’angles marqués.
Le meuble de style Empire, en tant que métaphore du régime politique qui lui est associé, se veut imposant. C’est l’acajou qui règne en maître, clair ou foncé avec une prédilection pour celui qui présente des reflets moirés et un veinage particulier. La marqueterie disparait au profit de grandes surfaces lisses posées sur un bâti très simple. L’ornementation est faite de bronzes dont les motifs sont ceux de la mythologie gréco-romaine comme des centaures, des griffons, des victoires ailées surmontées de colonnettes et de chapiteaux. Peuvent s’y ajouter des casques, des boucliers romains, des dauphins ou même l’aigle impérial.
Meubles style Empire : les maîtres menuisiers importants
La fin de l’Ancien Régime est également synonyme de la disparition des grands mécènes qui faisaient vivre nombre d’ateliers d’artisans qui se sont vus dans l’obligation de fermer boutique. Cependant, au début du XIXème siècle, Napoléon relance la production de meubles qui trouvent leur place dans les palais de l’Empereur et les hôtels particuliers. Les ateliers reprennent vie à Paris qui devient la capitale du meuble.
Si la suppression des corporations a entrainé l’ouverture d’ateliers de moindre qualité, les maîtres ébénistes encore en âge de travailler ont été formés sous l’Ancien Régime.
Pour la petite histoire…
Sous l’Ancien Régime, les métiers d’artisanat et de commerce étaient organisés en corporations (les bouchers, les ébénistes, les cordonniers… ) régies par des règles strictes. Chaque atelier avait son maître, des apprentis et des compagnons qui devaient effectuer un tour de France et réaliser un chef d’œuvre. Les salaires étaient encadrés, le monopole assuré et tout contrevenant était exclu de la corporation. La Révolution a mis un terme à ces corporations donnant toute liberté à quiconque d’ouvrir un atelier, moyennant le paiement d’une patente.
Quelques noms ont traversé les siècles et le premier d’entre eux est probablement Georges Jacob. Ce fils de vigneron accède à la maîtrise en 1765 après avoir présenté son chef d’œuvre, un petit fauteuil fait de bois doré. Après avoir travaillé des meubles Louis XVI avant la Révolution, il change de style, évolue vers les décors gréco-romains et commence à travailler l’acajou en collaboration avec les architectes Percier et Fontaine. Il est le premier d’une grande dynastie d’ébénistes qui deviendront les Jacob-Desmalter.
Les créations de Georges Jacob sont si nombreuses qu’il est impossible de toutes les citer. Cependant, arrêtons-nous sur ce fauteuil d’apparat destiné à l’Empereur tout fait en hêtre sculpté et doré. Ce fauteuil exceptionnel a été retrouvé dans un grenier et s’est vendu à Drouot en 2021.
Pierre-Benoît Marcion, à le tête de l’atelier « aux égyptiens », est aussi l’un des principaux ébénistes de Napoléon. Ses créations meublent le Petit Trianon, le château de Fontainebleau ou le Palais des Tuileries.
Outre les sièges, il produit des consoles, des bureaux ou des commodes pour l’Empereur. Comme celle qui lui a été commandé pour le palais du roi de Rome à Rambouillet en chêne et citronnier décoré de foudres en bronze.
Si la production de mobilier style Empire a été foisonnante, elle a été de courte durée puisqu’en 1814, à la chute de l’Empereur, elle s’arrête brusquement. Encore un indice qu’elle était complètement liée au symbole du pouvoir de Napoléon.