Pendant longtemps, le Moyen-Âge, ces mille ans situés entre l’Antiquité et l’époque moderne, ont eu mauvaise réputation. Largement affecté par les guerres de religion, la féodalité et l’omniprésence de la religion, le Moyen-Âge est vu comme une période obscurantiste. Ne dit-on pas d’ailleurs « moyenâgeux » pour qualifier ce qui est considéré comme arriéré ?
Sommaire
La Nouvelle Histoire, le courant pour tout comprendre du Moyen-âge
Les prémices de l’analyse de la période Moyen-Age
Il a fallu attendre une nouvelle manière de faire de l’histoire pour réhabiliter le Moyen-Âge. En 1929, les historiens Marc Bloch et Lucien Febvre créent Les Annales d’histoire économique et sociale dans laquelle ils développent leur nouveau projet : faire de l’histoire globale qui englobe – c’est bien le mot – tout à la fois les aspects sociologiques, économique, géographiques, démographiques… En cela, ils vont à l’encontre de l’histoire traditionnelle, celle des guerres, des grands hommes et de la nation.
Après la mort de Marc Bloch en juin 1944 – il est torturé et fusillé par les nazis – l’aventure continue avec un jeune collaborateur de Lucien Febvre, nommé Fernand Braudel. Lui, va plus encore diriger les Annales vers l’histoire des mentalités. Sont désormais étudiés la manière dont les hommes vivaient, leur habitat, leur cadre de vie, leur travail… Ils vont s’intéresser à des sources oubliées, comme les inventaires, et entrer du coup dans les maisons.
La Nouvelle Histoire, ce courant historiographique, devient une référence dans les sciences humaines et en 1968 est créée l’École Pratique des Hautes Études (EPHE) qui deviendra l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.
Le Moyen-âge, comme on le connaît
Si aujourd’hui le Moyen-Âge est réhabilité, c’est en partie grâce à deux historiens médiévistes de renom aujourd’hui disparus : Georges Duby et Jacques Le Goff. Le premier a énoncé sa méthode dès sa leçon inaugurale au Collège de France en 1970 : chercher « l’homme vivant sous la poussière des archives et dans le silence des musées ». Grâce à eux, nous pouvons toucher du doigt l’histoire des mentalités, l’histoire de la vie quotidienne… dans laquelle se place notre fameux mobilier. Nous sommes retombés sur nos pattes et pouvons désormais aller voir ce qu’il se passe du côté des meubles gothiques.
Mais non attendez ! Avant de poursuivre plus avant, revenons rapidement sur le « gothique ». Qu’est-ce que c’est exactement ?
Des cathédrales au mobilier
Faire entrer la lumière
Après la période romane caractérisée par la recherche de l’équilibre, des larges contreforts et de petites ouvertures dans les édifices religieux, ce qui ne se nomme pas encore l’art gothique pointe le bout de son nez. C’est l’Abbé Suger de St Denis qui, faisant reconstruire la basilique vers 1137, fait entrer la lumière en ajoutant des chapelles flamboyantes. C’est ainsi que s’ouvre le siècle des cathédrales. Elles se font plus légères, remplacent les larges contreforts par des arcs-boutants grâce à la technique nouvelle des croisées d’ogives qui diminue la pression sur les murs, agrandissent les ouvertures, remplacent les peintures par des vitraux et des rosaces.
L’art suit le même chemin et les décors du mobilier ressemblent étrangement à celui des cathédrales et reprennent les mêmes ornementations.
La naissance du terme “gothique”
Ce n’est que plus tard, au moment de la Renaissance qu’apparaît le terme « gothique » qui vient nommer ce qui est alors considéré comme barbare. Cela étant dit, contrairement à ce que véhiculaient les hommes de l’époque moderne, le mobilier gothique était recherché, travaillé et décoré.
Ce sont donc les charpentiers de petite cognée puis les huchiers menuisiers à partir du XIV siècle qui sont chargés de la fabrication du mobilier, le plus souvent en chêne. Avec le temps, les techniques d’assemblage du bois évoluent et se perfectionnent. Les simples planches jointées sont petit à petit remplacées par des assemblages plus complexes à tenon ou en queue d’aronde.
Des décors plus travaillés
Du côté des décors, aux ferrures et aux pentures qui permettent au départ de maintenir les planches entre elles, s’ajoutent des moulures en forme de plis de serviette (pour les panneaux de côté) ou de feuilles. Les meubles les plus anciens sont également gainés de cuir ou de toile peinte. Nombreux sont ceux à être colorés de bleu, de rouge et d’or.
En réalité le mobilier dit gothique reprend les ornements de l’architecture du même nom et les décors sont souvent de véritables portails d’église.
Période Gothique : quel type de mobilier ?
Le coffre : le meuble incontournable du moyen-âge
Nombreux sont les meubles de cette période à être transportables dans la mesure où les déplacements sont encore nombreux.
Ainsi dans les coffres, qui sont sans conteste les meubles plus importants du Moyen-Âge, on distingue les plats qui permettent de ranger du grain, de la vaisselle ou le linge mais peuvent aussi servir de siège ou de marchepieds et les coffres au couvercle bombé pour que les eaux de pluie s’écoulent plus facilement. Ces « bahuts » sont garnis de cuir afin de protéger le contenu de l’humidité.
L’arrivée de meubles intelligents
Les premières tables sont également pliantes. Le Musée du Moyen-Âge possède l’un des rares exemplaires qui soient parvenus jusqu’à nous. Dotée d’un système de cheville, elle est rapidement démontable. Les armoires ont, à priori, un usage religieux et se trouvent en grand nombre dans les églises, les monastères ou les châteaux. Les chaises à l’assise pleine ont des accoudoirs et de très hauts dossiers.
Ce n’est que lorsque les hommes deviendront plus sédentaires que les coffres se garniront d’un bâti. C’est ainsi que nait par exemple le dressoir qui est une sorte de coffre surélevé dont la partie inférieure est évidée.
Quelques meubles retrouvés
L’armoire d’Aubazine
Dans l’abbaye d’Aubazine, un édifice cistercien datant du XIIème siècle, se trouve ce que l’on considère comme la plus ancienne armoire conservée en France. Armoire liturgique, elle servait à ranger tous les objets sacrés et les saintes huiles. Réalisée en chêne, elle est décorée de pentures métalliques et de gros clous. Comme la corniche présente des traces de peinture, il est attesté que cette armoire était colorée en rouge et or.
L’armoire de Noyon
Datant du XIV siècle, cette armoire à reliquaire en bois peint caractérisée par ses longues pentures en fer forgé a été partiellement détruite puis entièrement restaurée. Elle est encore visible aujourd’hui dans l’arrière-sacristie de l’ancienne cathédrale de Noyon.
Le coffre de Poissy
Construit entra la fin du XIIIème siècle et le début du XIV siècle, il servait à stocker jusqu’à deux tonnes de grains. Long de près de trois mètres, il est l’un des plus imposants meubles conservés de l’époque médiévale. Il a fait l’objet d’un don au musée de Cluny en 1931.
Après ce rapide tour d’horizon des meubles gothiques, laissons le temps s’écouler… Car au milieu du XV siècle, le gothique cèdera la place au style Transition, la première étape de la Renaissance.