La paille devient matière à mobilier au début du XVIIème siècle. On dira que les menuisiers qui commencent à la travailler sont ceux qui manquaient de moyens pour acheter des placages. Cette paille de seigle dont il est question a toujours été le parent pauvre de l’artisanat. En ce temps là, le bois était une matière noble et la paille ne l’était pas… pas encore ! De là, a découlé toute son histoire.
Fauteuil à assise et dossier paillés
Sommaire
Le paillage des sièges
Les menuisiers français commencent à fabriquer des sièges paillés à partir du XVIIème siècle. Ils confectionnaient notamment des chaises à porteur. Mais cette activité s’arrête brutalement sous le règne de Louis XIV au moment de la guerre avec Guillaume d’Orange. En effet, la rupture des relations commerciales avec l’Angleterre et la Hollande amène à la pénurie de la matière première. L’activité reprend à la mort du roi lorsque le régent rétablit les rapports commerciaux.
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La noblesse est la première à bénéficier de ces nouvelles assises qui n’arrivent qu’au XIXème siècle (époque phare du mobilier néo gothique) dans les foyers modestes. Les rempailleurs, artisans itinérants, sillonnent alors le territoire, s’arrêtent de village en village pour offrir leur service. Ils travaillent souvent à la porte des maisons, munis d’une aiguille de pailleur, d’un bourroir et d’un couteau, ils regarnissent les chaises sous les yeux de leur propriétaire. Cette activité périclite ensuite avec l’arrivée des chaises en métal et en formica. Il reste néanmoins des amateurs de chaises paillées. De nombreux rempailleurs subsistent aujourd’hui grâce aux églises qui ont conservé la tradition des Prie-Dieu et des banquettes rempaillées.
Rempaillage d’une assise de chaise traditionelle
A noter
Il ne faut pas confondre les métiers et les artisants. Si la fabrication du mobilier requiert la convergence des savoir-faire et des techniques, il ne faut pas confondre les métiers d’ébéniste, de menuisier,de tapissier et de rempailleur !
Plus près de nous, des designers ont réinventé l’usage de la paille. Au lieu de l’utiliser comme assise à tresser, ils l’ont imaginée comme rembourrage de poufs et de bancs. Nathalie Duwel, ancienne tapissière à la Comédie Française et Frédéric Goutorbe, ancien décorateur de cinéma ont imaginé des assises en PVC remplies de paille. Leur création fait fureur : en 2011, le couple participe au Salon Maison et Objet et leur banc en paille remporte le Prix Découverte. Leurs créations sont aujourd’hui vendues dans le monde entier. Pour remplacer la paille, ils pensent maintenant à un rembourrage en lichen.
Le banc en paille signé par Nathalie Duwel
La marqueterie de paille
Impossible de penser au mobilier en paille sans faire référence à la marqueterie de paille. Son histoire est faite de hauts et de bas, aux périodes marquées par l’enthousiasme succèdent des phases d’oubli… S’il est difficile de savoir exactement d’où elle vient – peut-être d’Italie ou d’Orient – on sait en revanche que les premiers objets marquetés en paille datent du XVIIème siècle. A cette époque, il s’agissait surtout d’objets à la décoration religieuse.
Coffre ancien en marqueterie de paille (d’avant 1890)
Le Siècle des Lumières, et son appétence pour les matières nouvelles, voit l’envol de la marqueterie de paille. Le XIXème siècle, lui, la boude. Et puis arrivent le début du XXème, les Années Folles et son mobilier. André Groult, Paul Poiret et Jean-Michel Franck remettent la marqueterie de paille à l’honneur. Ils créent des objets, des plateaux mais aussi des pièces de mobilier comme des tables roulantes. André Groult fera même breveter un papier de revêtement mural en paille.
André Groult (1884 – 1966) décorateur et dessinateur de meubles français
Chiffonnier anthrophomorphe – Musée des arts décoratifs de Paris
Amoureux des meubles de 1920 – 1930 ?
Découvrez le fameux fauteuil bridge et ses lignes intemporelles, ou en encore un des contemporains non moins célèbre d’André Groult, l’architecte d’intérieur Jacques-Emile Ruhlmann.
En 1935, il marquette des panneaux muraux pour le paquebot Normandie. Deux ans plus tard, il réalise un magnifique paravent pour L’exposition des Arts Décoratifs. C’est dire si son travail suscite l’enthousiasme. Celui-ci retombe avec la seconde guerre mondiale et durera jusqu’à ce que sa petite fille, Lison de Caunes, sorte la marqueterie de paille de l’oubli. Depuis 1978, dans son atelier parisien, elle restaure d’abord des objets anciens avant de passer à la création. On lui doit par exemple un magnifique écran de cheminée ou un meuble pyramide à dix tiroirs dont le vert n’a rien à envier aux couleurs des plus beaux lacs de montagne. Nommée maître d’art en 1998, elle fait partie des Grands Ateliers de France. Elle travaille pour des marques de luxe comme Guerlain, Boucheron ou Davidoff.
Meubles armoire style Art déco signé Pierre Counot Blandin
Bon à savoir
La relève est par ailleurs assurée… Des ateliers comme Maonia réalisent des meubles aux lignes simples et épurées qui marient le bois précieux, le parchemin… et la marqueterie de paille.
Après avoir été, à ses débuts, une matière de repli, la paille a depuis gagné ses lettres de noblesse !
Motifs variés de marqueterie en paille