La toile de Jouy, c’est cette belle étoffe en coton sur laquelle s’inscrit une authentique fresque de personnages et scènes champêtres aux couleurs brunes ou roses, d’inspiration orientale. Puisant dans notre imaginaire et symbole du savoir-faire français, la toile de Jouy doit ironiquement son existence à un bavarois, Christophe Philippe Oberkampf, élévé au rang de baron par Louis XVI. Voyage au coeur d’une histoire peu commune de l’artisanat français où la richesse des cultures se mêle au génie d’un artisan et aux vertus d’une rivière française, la Bièvre.
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Sommaire
Reconnaître une toile de Jouy
Nul besoin de puiser trop loin dans notre imaginaire pour reconnaître les caractéristiques de la toile de Jouy. Empreinte de personnages, elle représente souvent des scènes historiques célèbres, mythologiques ou encore littéraires ainsi que des décors champêtres regorgeant de plantes exotiques et d’animaux encore inconnus en Europe. Les toiles de Jouy sont 100% coton, rapporté en Europe suite à l’accroissement du commerce avec l’Extrême orient, sur la bientôt célèbre Route de la Soie et remplaçant peu à peu l’usage du lin et de la laine.
A noter :
Pour concevoir les motifs qui rendront bientôt les toiles célèbres, Christophe Philippe Oberkampf fait appel aux peintres les plus célèbres parmi lesquels Jean-Baptiste Huet, peintre du roi reconnu pour la qualité de ses peintures animalières.
La palette de couleurs étant réduite à l’époque des Lumières, les motifs sont principalement imprimés grâce au bistre, un pigment issu du traitement de la scie de bois, ou de la garance sur un fond blanc ou écru. Avant d’être utilisées pour fabriquer les tenues de la noblesse et de la haute bourgeoisie, les toiles de Jouy sont plébiscitées pour l’ameublement et la décoration.
Paravent en toile de Jouy
Histoire de la toile de Jouy
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la toile de Jouy ne connut pas instantanément le succès. Retournons à la fin du XVIIème siècle : les navigateurs de la Hanse, du Portugal et d’Espagne commencent à explorer des contrées lointaines et à revenir les bras chargés d’épices, de bois et d’étoffes colorées, les “indiennes”.
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En 1664, la création de la Compagnie des Indes amplifie l’importation des “indiennes” jusqu’à mettre en péril la fabrication française de textiles. Inquiet, le célèbre secrétaire d’Etat au commerce de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert, ainsi que son successeur Le Pelletier, suggère au roi d’interdire l’importation et la fabrication de ces indiennes en 1686 grâce à un édit de prohibition. L’interdiction est levée en 1759, ouvrant la voie à l’arrivée d’artistes étrangers en France à l’instar de Christophe Philippe Oberkampf, un bavarois de 21 ans, qui s’installa à Paris dans l’actuel quartier Mouffetard pour travailler en tant qu’ouvrier-teinturier.
Canapé Louis XVI en toile de Jouy
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Audacieux, le jeune Christophe décide de perfectionner les procédés de fabrication du textile et remonte le cours de la Bièvre, cette rivière reconnue pour ses propriétés chimiques qui parcourait autrefois Paris, pour installer sa propre manufacture de toiles imprimées. Son choix se porte sur la ville de Jouy en Josas, un choix hautement stratégique : le lieu est situé à quelques encablures de Versailles ce qui contribuera grandement à la pérennité de la manufacture à travers les époques.
A noter :
Devenue “Manufacture Royale” au temps de Louis XVI, l’entreprise d’Oberkampf emploie jusqu’à 1300 personnes au début de la Révolution Industrielle.
A visiter : le musée de la toile de Jouy
Musée de la Toile de Jouy à Jouy-en-Josas
A visiter :
Fruit de la volonté du maire Jacques Toutain, le musée de la toile de Jouy est créé en 1977 pour ne rien perdre de l’extraordinaire patrimoine de la Manufacture du baron Oberkampf. Le musée éponyme est alors installé au château de Montebello avant d’être déplacé au château de l’Eglantine, devenant le musée de la Toile de Jouy.
Intérieur du musée de la Toile de Jouy
Techniques de fabrication de la toile de Jouy
Dans un premier temps mécanique, il faut imaginer le cérémonial autour de la fabrication de la toile de Jouy avec des impressions polychromes. Les toiles de coton étaient préalablement baignées dans la Bièvre, cette rivière qui traversait originellement les 5ème et 13èmes arrondissements de Paris, avant d’être battues au fléau puis apprêtées à la main pendant les dix premières années de fabrication avant d’être mécanisées.
Déclinaison de la toile de Jouy
Le vocabulaire du textile
L’apprêt donne au textile son aspect final grâce à un procédé chimique, teinture par exemple, ou mécanique, comme le feutrage. Les toiles étaient ensuite séchées puis passées à la calandre, une machine à rouleaux et cylindres, afin d’être bien lisses pour imprimer les motifs, préalablement gravés en relief sur des planches de bois. A ce stade, seuls des mordants, comme le sel d’alumine, étaient appliqués sur la toile pour fixer les couleurs.
Chambre moderne inspiration toile de Jouy
Une fois préparées, les toiles étaient baignées dans une préparation de racine de garance, aussi dénommée racine des teinturiers pour ses belles teintes rouges issues de ses rhizomes. Cette opération révélait ainsi les motifs fixés grâce aux mordants dans une palette de rouge foncé au rose pâle. Les autres couleurs, comme le jaune et le bleu, étaient directement appliqués sur la toile. Enfin, un nouvel apprêt était enduit sur les toiles, selon l’effet désiré.
A partir de 1770, la technique d’impression évolue. Les planches de bois disparaissent au profit des planches de cuivre gravées, ouvrant la voie à de nouveaux motifs comme les personnages qui feront la renommée des toiles de Jouy. Le baron Oberkampf pousse le procédé encore plus loin en mécanisant le principe de la planche de cuivre. Un rouleau de cuivre est alors adopté pour imprimer en continu ce qui permettra de produire davantage de toiles.