Le lutrin ne vous dit certainement rien et pourtant, il vous a sans doute été d’une grande utilité lors d’un cours de chant ou de solfège et vous l’avez probablement aperçu dans une église ou à l’opéra. Digne ancêtre de notre pupitre, le lutrin est un meuble, plutôt petit, apparu dès le Moyen Âge pour aider à la lecture ou l’écriture d’un livre. Du latin lego, lire et trum, ce qui sert à, le meuble était d’une grande utilité pour porter la Bible lors des offices. Nous consacrons aujourd’hui nos colonnes à ce meuble médiéval qui a su traverser les siècles !
Lutrin sur pied de style Art nouveau
Sommaire
A quoi ressemble un lutrin ?
A pied ou de table, le lutrin est conçu en bois massif. Pour les versions à pied, les tailles varient, du plus petit au plus imposant à l’instar du lutrin trônant fièrement dans l’église San Simpliciano de Milan, réalisé en 1588. Côté lutrin de table, les modèles les plus courants disposaient d’un triptyque de 80 cm par 60cm. Détaillons à quoi ressemblait chacun de ces modèles…
A visiter : l’église San Simpliciano de Milan et son lutrin
Le lutrin à pied
Avant toute chose, le lutrin ne désigne pas proprement le meuble dans son ensemble. Dans le cas des modèles en pied, le lutrin correspond au plateau réglable en hauteur, aussi appelée toise, solidement attachée à un pied en bois massif. Si les lutrins destinés à supporter de grands manuscrits disposaient d’un amortisseur pour ne pas abimer le triptyque, la majorité de ces derniers assurent la lecture de livres de la taille d’un format A4.
Ancré dans l’univers chrétien, le lutrin se veut mobilier liturgique comme l’atteste la présence de symboles associés aux Evangiles. On retrouve ainsi souvent le Taureau de Saint Luc, l’aigle pour Saint Jean, le lion, associé à Saint Marc ainsi que l’homme pour Saint Matthieu.
Si les modèles de lutrin pouvaient être simples, d’autres entraient dans le rang du luxe. On pense notamment à l’aigle-lutrin lié à Saint Jean, rappelant le symbole de l’évangile et doté d’une forte utilité car les deux ailes de l’aigle permettait de pouvoir y placer un livre.
Lutrin aigle de l’église Notre-Dame à Taverny (95)
Pourquoi l’aigle ?
Outre l’aspect pratique, l’aigle détient une connotation hautement symbolique dans l’iconographie religieuse. Illustrant la rapidité de la propagation de la parole de Dieu, il symbolise aussi la lutte du bien contre le mal.
Le lutrin de table
Contrairement au lutrin à pied, la version de table est uniquement composée d’un triptyque pouvant accueillir un livre, conçu avec un dossard et deux vantaux symétriques, arrimé à angle droit sur une sorte de petite réglette permettant de régler le dossard, l’alidade.
Dotée de trous symétriques, l’alidade permet de fixer des tiges, les tourillons, pour tenir les pages de chaque côté afin que le livre ne soit pas pleinement ouvert pour ne pas abîmer la reliure. On déplaçait les tourillons à la fin de la lecture des pages puis les remettaient pour poursuivre.
Lutrin de l’abbé de Lobbes
Au IXème siècle, l’abbé Folcuin donna deux nouvelles fonctions au lutrin de son église, celle d’encensoir et de lampe. Ce dernier avait élaboré une croix en bronze dotée de quatre petites bougies au dessus duquel se déployait un aigle en bronze doré aux ailes mobiles. L’animal retenait l’Evangile lorsque ses ailes étaient fermées et le rendait accessible à l’ouverture de ces dernières. Sur la tête de l’aigle, des charbons ardents contenaient de l’encens qui, une fois brûlé, faisait dégager de la fumée par le bec et les yeux brillants de l’animal.
Top 3 des plus beaux lutrins
Les moines copistes furent les premiers à se servir du lutrin au VIIème siècle. Assis sur un banc, ils s’appuyaient sur le lutrin incliné pour réaliser leurs ouvrages. En bois, en bronze ou en cuivre doré, les premiers lutrins se paraient de riches moulures. S’ils n’étaient pas initialement destinés à être déplacés, on inventa cependant assez vite des modèles pouvant être portés et déplacés facilement. Une importante production de lutrins eut lieu au XIIIème siècle. Peu de traces subsistent de ces premiers modèles mais d’autres de ces meubles d’église sont encore visibles.
- Lutrins de la Bibliothèque Mazarine, Institut de France : la plus ancienne bibliothèque publique de France situé dans le Collège des Quatre-Nations, aujourd’hui siège de l’Institut de France, accueille encore des petits lutrins pour des livres format A4;
- L’aigle-lutrin de l’Eglise Sainte-Hélène d’Orval (Manche) : cet imposant aigle-lutrin élaboré au XIXème siècle est classé Monument historique à titre d’objets;
- Lutrin de la cathédrale d’Auch (Gers) : au coeur de la cathédrale se trouve un lutrin original datant de 1530 en bois permettant non seulement de renfermer les antiphonaires, des partitions musicales, mais aussi de les soutenir pendant les offices.
Lutrin de la cathédrale d’Auch département du Gers
A visiter !
La cathédrale Sainte-Marie d’Auch ne comprend pas moins qu’un ensemble de 21 chapelles ! Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, la cathédrale dont le début de construction date de juillet 1489 est de style gothique flamboyant. Dix-huit verrières parfaitement conservées sont l’oeuvre d’un maître verrier du XVème siècle, Arnaud de Moles. Les boiseries du choeur comportent pas moins de 113 stalles représentant des scènes bibliques pour poursuivre l’oeuvre des verrières.