Face à des décors exubérants, des motifs surchargés ou des ornements à profusion, c’est le terme baroque qui vient instantanément à l’esprit. Sans forcément connaître l’origine du mot, nous l’utilisons pour qualifier le trop, voire le kitch. En faisant un tour du côté du dictionnaire des synonymes, il apparait des mots comme « rococo », « chamarré » ainsi que d’autres à connotation bien plus négative comme « tarabiscoté », « lourd », « saturé » ou « pesant »…
Mais quelle histoire se cache derrière ce mot ? Quelles sont les origines de ce mobilier reconnaissable entre tous, très en vogue entre le XVIème et le XVIIème siècle ?
Étrangement, il s’agit en premier lieu d’une affaire religieuse…
Sommaire
Les prémices du baroque débutent par une histoire de Réforme…
Le développement des “indulgences”
Tout commence au Moyen-Âge avec la pratique des indulgences… En effet, depuis le XIème siècle, l’Église offre la possibilité de bénéficier d’une rémission ou d’une réduction de ses péchés en échange d’une obole – un don – ou d’une œuvre de piété. Si au départ, ce don est destiné à fonctionner le temps de la vie sur terre, au fil du temps, son champ d’action s’étend. Ainsi, en 1476, le Pape Sixte IV décrète que les indulgences ont désormais un effet dans l’au-delà : son paiement permettrait de réduire le temps passé au Purgatoire. Dans la mesure où la mort et les flammes de l’enfer sont terrorisants pour une grande partie du peuple, la vente d’indulgences s’envole !
Mais pourquoi Sixte IV a-t-il un besoin d’argent aussi pressant ? Pour reconstruire la basilique de Rome, un chantier colossal de 22 000 mètres carrés auquel participent de nombreux artistes. En 1507, son successeur Jules II promulgue ainsi une première indulgence en faveur de tous ceux qui concourront à l’achèvement du somptueux édifice. Quelques années plus tard, en 1515, une nouvelle indulgence est lancée par le Pape Léon X mais cette fois, les choses vont tourner au vinaigre…
L’arrivée de l’imprimerie et des thèses de Luther
Il est facilement imaginable que la vente de ces indulgences aiguise les appétits et occasionne des malversations jusqu’à aboutir à un vrai trafic. C’est alors qu’entre un scène un moine allemand nommé Luther qui va s’insurger contre ces méthodes frauduleuses. Plus que choqué, il rédige ce que nous connaissons sous le nom des « 95 thèses de Luther ». Affichées le 31 octobre 1517 sur la porte d’une église de Wittenberg, il y dénonce les indulgences, encourage les bonnes actions et le culte de la Vierge et des Saints.
Grâce à l’imprimerie naissante, les thèses de Luther se répandent en Europe comme une trainée de poudre. Il ne s’agit de rien de moins que de la naissance du protestantisme qui appelle à plus de rigueur et de piété.
La Contre-Réforme de l’Eglise catholique et son impact sur les Arts
Du côté de l’Église catholique, qui voit un nombre grandissant de ses ouailles se tourner vers le protestantisme, c’est la panique ! Comment faire pour stopper cette hémorragie ? L’Église va d’abord pourchasser les traitres, les conduire devant des tribunaux d’Inquisition, tenter de les éliminer, mais aussi tenter de réformer l’Église.
Il s’agit là de la Contre-Réforme qui est discutée pendant le Concile de Trente qui débute le 13 décembre 1545 pour s’achever en 1563. L’Église a besoin d’ordre : des règles strictes sont imposées au clergé, la formation des prêtres est améliorée et les images sacrées doivent à nouveau avoir une valeur pédagogique pour le peuple des fidèles. Il va sans dire que les arts en général vont en être profondément modifiés.
L’arrivée du Baroque en Italie
C’est ainsi que nait le mouvement baroque en Italie au tout début du XVIIème siècle. Architecture, peinture, sculpture… tous les arts sont concernés par le baroque et son sens aigu de la dramaturgie. Il s’agit maintenant d’en mettre plein la vue et de provoquer des émotions chez les fidèles de l’Église. Avec le baroque commence le règne de l’ostentatoire, de l’opulence et de la démesure. Il faut éblouir et par la même séduire…
Les chefs d’œuvres baroques
En architecture, les façades, qui encadrent des majestueuses entrées, sont symétriques, les jardins à la française accueillent souvent des fontaines aux jets d’eau sophistiqués, les dômes sont aussi grands que possibles et le marbre et l’or sont partout. Sans oublier évidemment l’omniprésence des thèmes religieux. Le Château de Versailles est probablement l’exemple le plus célèbre d’architecture baroque. Mais il y aussi le Château de Schönbrunn à Vienne ou le Palacio Real de Madrid.
Du côté de la sculpture, il est difficile de passer à côté de la Fontaine des Quatre Fleuves de la place Navone à Rome ou celle de la Fontaine de Trevi. Quant à la peinture, le Caravage et Le Bernin sont parmi les plus célèbres de l’époque.
Pierre Gole, le maître du mobilier baroque
Dans l’univers du mobilier, le mouvement baroque adopte également un art de la mise en scène et de la dramaturgie. Les meubles sont massifs, faits de bois lourds et solides décorés de couleurs vives et de dorures.
Retournons à Versailles et passons les portes pour jeter un coup d’œil qui s’y trouve à l’époque de Louis XIV. En dehors des querelles religieuses de l’époque, le Roi Soleil, pour impressionner la cour, ses sujets et ses ennemis veut du faste et du grandiose. Tout doit concourir à la grandeur du Roi, y compris la domestication de la nature dessinée par Le Notre.
Dans sa chambre du roi trônent des meubles imaginés et créés par Pierre Gole, un artisan hollandais nommé ébéniste du Roi en 1651. Il est considéré comme le plus baroque des ébénistes de cette période. On lui doit par exemple un incroyable cabinet en écaille de tortue et ébène ou ce cabinet à tiroirs surélevé décoré de marqueterie à fleurs. Puis alors que les cabinets commencent à se démoder, Pierre Gole imagine de somptueux bureaux comme celui qui se trouve au musée des Beaux-Arts à Chartres en marqueterie de cuivre et d’étain et aux pieds dorés sculptés.
Le mobilier d’argent
Dès 1664, Louis XIV commande des meubles en argent et ce sont des quantités astronomiques de mobilier qui prennent place au fil des années au château : tables, miroirs, girandoles, lustres, buffets, vases, vaisselle, et même le trône du roi ! Au total ce sont 200 meubles qui ont été fabriqués à partir de 20 tonnes d’argent massif. Grâce à jeu des lumières reflétées par les miroirs, l’atmosphère du château était plus que théâtrale. La définition même du baroque !
Cependant ne cherchez pas ce fastueux mobilier d’argent car tous les meubles ont été fondus pour participer à l’effort de guerre…
André-Charles Boulle
Et comment ne pas parler d’André-Charles Boulle, probablement l’ébéniste le plus célèbre du règne de Louis XIV ? Présenté à Louis XIV par Colbert comme l’ébéniste le plus doué de son temps, il est le créateur de nombreux meubles qui ont fait la réputation de Versailles. Il est notamment le créateur de la fameuse commode destinée à l’appartement du roi au Grand Trianon. Posée sur des pattes de lion, elle a une forme de sarcophage dont les quatre coins sont ornés de têtes de femme ailées. Richement décorée, elle est plaquée d’ébène et marquetée d’écaille et de laiton.
Le baroque contemporain
Aujourd’hui, le mobilier et la décoration baroque sont utilisés par petites touches dans des intérieurs tout à fait contemporains et les designers se sont emparés de cet univers fantaisiste, coloré et très décoré. Philippe Starck a créé par exemple la chaise Louis Ghost inspiré des lignes d’un fauteuil Louis XV. Quant à Jean-Michel Othoniel, il faut aller voir ses fontaines de table aux courbes envoutantes et aux dorures flamboyantes.
Il y a donc toujours un peu d’histoire dans notre vie contemporaine…